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21/09/2012 | FRANCE | N°2012-273

France | France, Conseil constitutionnel, 21 septembre 2012, 2012-273


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 juillet 2012 par le Conseil d'État (décision n° 358262 du 2 juillet 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société Egilia, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 6362-5 du code du travail et des articles L. 6362-7 et L. 6362-10 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long

de la vie.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

V...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 juillet 2012 par le Conseil d'État (décision n° 358262 du 2 juillet 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société Egilia, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 6362-5 du code du travail et des articles L. 6362-7 et L. 6362-10 du même code, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code du travail ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 juillet 2012, et par la SELARL Cloix et Mendès-Gil, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 20 juillet 2012 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 24 juillet 2012 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Pierre-Emmanuel Cloix pour la société requérante, Me Cyril Parlant, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour la société La Fourmi, partie intervenante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 11 septembre 2012 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6362-5 du code du travail : « Les organismes mentionnés à l'article L. 6361-2 sont tenus, à l'égard des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 :

« 1° De présenter les documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus ainsi que la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue ;

« 2° De justifier le rattachement et le bien-fondé de ces dépenses à leurs activités ainsi que la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions légales régissant ces activités.

« À défaut de remplir ces conditions, les organismes font, pour les dépenses considérées, l'objet de la décision de rejet prévue à l'article L. 6362-10 » ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6362-7 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie : « Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 versent au Trésor public, solidairement avec leurs dirigeants de fait ou de droit, une somme égale au montant des dépenses ayant fait l'objet d'une décision de rejet en application de l'article L. 6362-10.

« En cas de soupçon de mauvaise foi ou de manœuvres frauduleuses, l'autorité administrative porte plainte. Dans ce cas, les sanctions prévues aux articles 1741, 1743 et 1750 du code général des impôts sont applicables. »

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6362-10 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 24 novembre 2009 précitée : « Les décisions de rejet de dépenses et de versement mentionnées au présent titre prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir, après la notification des résultats du contrôle, que si une procédure contradictoire a été respectée » ;

4. Considérant que, selon la société requérante, en ne définissant pas de façon suffisamment précise les obligations mises à la charge des organismes dispensateurs de formation professionnelle continue, alors que l'absence de respect de ces obligations est passible d'une amende, les dispositions contestées méconnaissent le principe de la légalité des délits ; que, selon la société intervenante, en faisant porter le contrôle de l'administration compétente sur l'ensemble des dépenses engagées par ces organismes au titre de la formation professionnelle continue, ces dispositions portent également atteinte au principe de la liberté d'entreprendre ;

- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE AU PRINCIPE DE LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE :

5. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il est toutefois loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

6. Considérant que le livre III de la sixième partie du code du travail organise l'accès des travailleurs à la formation professionnelle continue et réglemente notamment les conditions dans lesquelles cette formation est financée ; qu'à ce titre, l'article L. 6331-1 du même code impose aux employeurs de participer au financement d'actions de formation professionnelle continue ; que les actions conduites au titre de cette formation bénéficient en outre de financements publics ;

7. Considérant que l'article L. 6361-1 du code du travail confie à l'État l'exercice d'un contrôle administratif et financier sur les dépenses de formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue instituée par l'article L. 6331-1 et sur les actions prévues aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 qu'ils conduisent, financées par l'État, les collectivités territoriales ou les organismes paritaires agréés ; que l'article L. 6361-2 fixe la liste des organismes qui conduisent les activités de formation professionnelle continue sur lesquels l'État exerce ce contrôle administratif et financier ;

8. Considérant que les dispositions contestées de l'article L. 6362-5 précisent les modalités du contrôle des organismes prestataires d'activités de formation professionnelle continue par les agents de l'État ; que ce contrôle est destiné à vérifier que les sommes versées par les personnes publiques en faveur de la formation professionnelle ou par les employeurs au titre de leur obligation de contribuer au financement de la formation professionnelle continue sont affectées à cette seule fin ; que le législateur a ainsi poursuivi un but d'intérêt général ; que ni la liberté d'entreprendre ni aucune autre exigence constitutionnelle ne fait obstacle à ce que les organismes prestataires d'activités de formation professionnelle continue soient soumis à un contrôle par l'autorité administrative de leur activité et de leurs dépenses ; que, dès lors, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par les dispositions de l'article L. 6362-5 du code du travail n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ;

- SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE AU PRINCIPE DE LA LÉGALITÉ DES DÉLITS :

9. Considérant que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; que, toutefois, appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite, en matière administrative, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent, de l'institution dont ils relèvent ou de la qualité qu'ils revêtent ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 6362-5 mettent à la charge des organismes prestataires d'activités de formation professionnelle continue des obligations dont la méconnaissance entraîne, en application des articles L. 6362-7 et L. 6362-10, le rejet des dépenses exposées au titre de la formation professionnelle continue ainsi que l'obligation de verser au Trésor public une amende égale au montant des dépenses rejetées ; que ces dispositions instituent des sanctions ayant le caractère d'une punition ;

11. Considérant, en premier lieu, qu'en réprimant l'absence de présentation des documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus ainsi que la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue, exigée au 1° de l'article L. 6362-5, et le défaut de justification du rattachement de ces dépenses à leurs activités, imposée au 2° de l'article L. 6362-5, le législateur a défini précisément les obligations auxquelles sont soumis les organismes de formation professionnelle et dont la méconnaissance est réprimée par les dispositions contestées ; que les dispositions du 2° de l'article L. 6362-5 imposent également aux organismes prestataires d'activités de formation professionnelle continue l'obligation de justifier le « bien-fondé » des dépenses faites au titre de la formation professionnelle continue ; que cette exigence a pour objet d'imposer que ces dépenses soient utiles à la réalisation des actions de formation professionnelle ; que l'étendue des obligations dont la méconnaissance est ainsi réprimée est définie de manière suffisamment précise et ne méconnaît pas le principe de la légalité des délits ;

12. Considérant, en second lieu, qu'en réprimant le défaut de justification de la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions légales régissant ces activités, exigée au 2° de l'article L. 6362-5, le législateur a entendu sanctionner une utilisation de ces fonds contraire non à l'ensemble des dispositions législatives applicables mais seulement à celles réglementant spécialement les activités de formation professionnelle continue ; que, dans ces conditions, l'obligation de justifier « la conformité de l'utilisation des fonds reçus aux dispositions légales régissant ces activités » ne méconnaît pas le principe de la légalité des délits ;

13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires ni aux exigences qui résultent de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ni à aucun autre droit ou liberté garanti par la Constitution ; que ces dispositions doivent être déclarées conformes à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- L'article L. 6362-5 du code du travail et les articles L. 6362-7 et L. 6362-10 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, sont conformes à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 septembre 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 21 septembre 2012.


Synthèse
Numéro de décision : 2012-273
Date de la décision : 21/09/2012
Société Egilia [Contrôle des dépenses engagées par les organismes de formation professionnelle continue]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 21 septembre 2012 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 21 septembre 2012 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2012-273 QPC du 21 septembre 2012
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2012:2012.273.QPC
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